mardi 11 mars 2008

Un fantôme; Les fleurs de mal; Charles Baudelaire



LES TÉNÈBRES


Dans les caveaux d’insondable tristesse

Où le Destin m’a déjà relégué ;

Où jamais n’entre un rayon rose et gai ;

Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

Je suis comme un peintre qu’un Dieu moqueur

Condamne à peindre, hélas ! sur les ténèbres ;

Où, cuisinier aux appétits funèbres,

Je fais bouillir et je mange mon cœur,

Par instants brille, et s’allonge, et s’étale

Un spectre fait de grâce et de splendeur.

À sa rêveuse allure orientale,

Quand il atteint sa totale grandeur,

Je reconnais ma belle visiteuse :

C’est Elle ! noire et pourtant lumineuse.

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